Résumé des épisodes précédents :
Dans tous les domaines, on se plaît à classer, à ranger par catégorie... Puis à confronter.
Pour les comédiens on opposera volontiers comiques et tragiques, tenants du public ou du privé... Je suggère deux autres catégories : comédien de création / comédien de tournée. Pour ma part, je relève clairement de la deuxième. J’ai le goût des longues tournées, j’aime quand un spectacle accompagne longtemps ma vie. C’est ainsi que « Rhinocéros » a passé la millième représentation, « La leçon » et les « Konkasseurs de kakao » plusieurs fois la centième... Au fil d’une vie de voyages en camionnette ou en trains, d’hôtels, de cafés d’autoroutes... Une carrière de représentant de commerce...
Je me souviens du propos qu’on m’avait rapporté, d’une comédienne Parisienne. C’était il y a quelques années, celle-ci partait le lendemain en tournée à Rouen.
- A Rouen ! Tu te rends compte ! Aller jouer du Corneille à Rouen ?
- Justement, à Rouen... Corneille...
- M’enfin à Rouen ! Pourquoi aller jouer à Rouen ? Y a qui là-bas ?
Il ne faut pas voir dans ce propos le seul mépris d’une Parisienne pour le quart monde provincial. Il y avait aussi le désarroi d’une comédienne pour qui jouer n’avait de sens que devant ses pairs : les gens de théâtre, les seuls susceptibles de remarquer son talent et de l’engager dans d’autres aventures artistiques. Tels sont les « comédiens de création ». Ils bondissent et rebondissent de projet en performance, d’audition en engagement... À chaque fois, c’est six heures par jour, pendant des semaines, à répéter, à s’approprier un texte, à tâtonner à la recherche d’un personnage, de ses pulsions... à bâtir cet étrange et fragile édifice fait de rire, de rythme et d’émotion : un spectacle. Quand le succès est au rendez-vous, le comédien se réjouit : sa notoriété grandit, de nouvelles opportunités sont à saisir... Quand le succès se prolonge, le comédien se lasse, il va voir le metteur en scène et lui propose une « doublure » pour la « reprise » en tournée, il prétend mal supporter les voyages et les nuits d’hôtel. En fait, il craint de quitter Paris et veut pouvoir se garder disponible pour une prochaine aventure artistique.
On aurait tort d’opposer les catégories. Chacun fait comme il peut avec cette encombrante passion. Le lot des danseurs, des circassiens et des musiciens est autrement plus pesant, il s’agit, pour eux, d’entretenir un corps, une virtuosité... Des heures d’exercice quotidien. Et pourtant... Lucile me confiait, un jour, que chaque matin, elle se réveillait à la pensée des cinq heures de violoncelle qui l’attendaient et que cette seule pensée suffisait à la rendre heureuse.
« J’ai dans les yeux... » s’est bâtie lentement dans la quiétude. On ne partait pas de rien. Il s’agissait, pour nous, de renouveler un précédent spectacle : de changer la plupart des textes, de changer le décor, la musique et la mise en scène mais de garder l’essentiel : le goût des mots et des notes. Lucile me reprenait sur un phrasé, une inflexion... Sa sensibilité de musicienne la rend particulièrement attentive aux nuances de l’interprétation. On a beaucoup travaillé, on s’est bien amusé et on a joué... deux fois. C’est frustrant et c’est de ma faute. Je devrais m’en vouloir. J’aurais dû faire les choses dans l’ordre : rédiger des dossiers, monter une production, des co-réa, des préventes... puis répéter. Aujourd’hui, le spectacle serait lancé, on aurait déjà une demi-douzaine de représentations à notre actif, j’aurais pu tenter Avignon... Au lieu de quoi, on a attendu d’être fin prêts. Nos premiers spectateurs sont enchantés, une prochaine représentation est programmée à la mi-août, d’autres se font jour, Avignon attendra bien un an.
Qui sait si nous ne sommes pas partis, Lucile et moi, pour quelques belles années de tournées ?... On n’échappe pas à sa catégorie.
Dans l’attente de cette joyeuse (mais hypothétique) perspective, je prépare ma défroque de professeur pour m’en aller jouer « La leçon » au théâtre de la Huchette à Paris en compagnie de mes camarades Emilie Chevrillon (l’élève) et Stéphanie Mathieu (la bonne). Ce sera tous les jours du mardi 15 mai au samedi 19 mai à 20h (réservation au 01 43 26 38 99). Un peu plus tard dans le mois, je m’occuperai du « Rabouillathlon » dans le cadre de la « Petite Mussette ». Un programme varié et savoureux de festivités Ligériennes à découvrir à Rochecorbon les 26 et 27 mai (ou avant sur Internet sur le site de « la Rabouilleuse École de Loire » - taper « Actualités » : la vidéo d’annonce à elle seule vaut le détour).
« J’ai dans les yeux... Et autres nouvelles » : à quand le recueil ?
« Figaro » : l’aventure va-t-elle se poursuivre ?
Comment occuper un été sans Avignon ?
Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?
Vous le saurez, bientôt, en lisant « Les pensées et anecdotes de juin 2018 » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http://www.theatredelafronde.com (qui a commencé sa mue de printemps) mais surtout nous pouvons devenir « amis facebook » (Theatre de la Fronde @sirgue) et vous pourrez ainsi suivre, minute par minute, l’actualité palpitante de notre compagnie.
Vous en saurez beaucoup plus en venant nous voir !