Résumé des épisodes précédents :
Un ami photographe arpentait, pour des raisons professionnelles, les locaux du service restauration du musée des Beaux-Arts.
Dans une première salle, on s’affairait autour d’une birème découverte dans les eaux du Rhône, non loin de Nîmes. Après plusieurs siècles en immersion dans le fleuve, le bateau était très endommagé, on avait à peine réussi à récupérer quelques éléments de la proue et on s’employait à les dégager d’une gangue de coquillages, d’algues, de vase, de je ne sais quoi qui s’étaient agglutinés. Les restaurateurs travaillaient avec une application infinie, conscients que chaque particule était potentiellement riche d’enseignement sur la civilisation Gallo-Romaine, le commerce fluviale du début de notre ère...
Dans une deuxième salle, avec la même infinie patience, un restaurateur s’appliquait à réparer une œuvre d’art contemporaine.
« Contemporaine » ?
Le qualificatif est un peu abusif : l’œuvre datait des années 70 du siècle dernier. C’était un mobile révolutionnaire (à l’époque tout l’était) composé de tubes de néon et animé par un moteur de lecteur de K7 audio. Hélas, plusieurs tubes ne s’allumaient plus et le moteur était hors service. On trouve encore facilement des tubes de néon dans le commerce et n’importe quel petit moteur aurait pu avantageusement remplacer celui qui faisait défection. Au lieu de quoi, le restaurateur, bardé d’outils de précision, s’employait à re-sculpter les engrenages du petit moteur, rétablir les connexions par de minuscules soudures... pour les néons, il ne désespérait pas, il avait quelques adresses de fournisseurs qui, peut-être...
Pas question, pour lui d’avoir recours à du matériel d’aujourd’hui pour réparer une œuvre vieille de ... quarante ans ! Celle-ci, de la main d’un artiste célèbre, se devait de témoigner de l’esthétique de son propre temps ! Quelle épouvantable confusion dans l’esprit d’un archéologue du futur s’il venait à découvrir des pièces du début XXIème siècle dans une œuvre de la fin du XXème !
Je trouve admirable, le merveilleux entêtement, la magnifique rigueur avec laquelle, les restaurateurs et les archéologues résistent à la pression du temps, aux impératifs de la productivité pour recueillir, conserver, défendre, transmettre les traces de notre passé. Ils sont à la fois des artisans, des scientifiques et des poètes.
Très récemment, j’ai vécu une petite mésaventure qui me les a rendus plus proches encore.
Il y a une douzaine d’années, j’avais écrit et joué un spectacle et une animation sur l’archéologie. Ils eurent un certain succès, amusant les uns, irritant les autres... Je les avais oubliés.
Il y a quelques temps, une documentaliste retrouve une de mes plaquettes de promotion et me propose de ressusciter l’animation. Je me prends au jeu, retrouve les quelques accessoires en phase de sédimentation dans mon local à décors et me rends à Villeneuve d’Ascq, au parc Asnapio, à l’occasion des « journées du patrimoine », pour une série d’animations. Le jeu consiste à ouvrir un pseudo chantier de fouilles et à découvrir dans un tas de sable plusieurs œuvres archéologiques et littéraires. En surface, je découvre des œuvres contemporaines (Pennac, Obaldia), en fouillant un peu, je mets au jour du Victor Hugo, puis je creuse jusqu’au XVIIème siècle (La Fontaine) et même au-delà (ou en deçà) : Ronsard, Maurice Scève, Catulle... Enfin, clou du spectacle, en creusant très profondément je fais apparaître un silex sculpté qui serait une des premières œuvres d’art de l’histoire de l’humanité (fac-similé du fameux « Masque de pierre » de la Roche-Cotard).
Las, étourdi et négligeant comme je sais l’être parfois, je n’avais emporté qu’un seul jeu de textes. Après les avoir été enterrées et déterrées à maintes reprises, dans du sable humide, je récupérais bientôt des photocopies en lambeaux ! Pennac, Obaldia, Hugo et La Fontaine ne me posent pas de problème, je les ai toujours en tête. Pour Ronsard et Scève, c’est un peu plus compliqué. Mais que faire avec Catulle ? Je suis incapable de dire de mémoire un poème en latin !
On est samedi soir, et il me reste quatre animations pour le lendemain. Je suis dans ma chambre d’hôtel, sur la table en face de moi : des miettes de papier enrobées dans du sable. Plaquée contre le mur, la télé, TF1 (tant qu’à faire) : la coupe du monde de rugby. Armé d’une vieille brosse à dent, j’entreprends d’enlever les grains de sable et de classer les morceaux de papier (par chance la police d’imprimerie varie à chaque auteur), enfin je me livre à un patient travail d’archéologue (ou d’amateur de puzzle). Une heure plus tard, la France a battu l’Italie, un rugbyman s’est blessé au genou, la piaule est pleine de sable... Le poème de Catulle est enfin reconstitué :
Vivamus, mea Lesbia, atque amemus,
Rumoresque senum severiorum
Omnes unius aestimus assis !
Soles occidere et redire possunt !
Je me sens fier et modeste comme Indiana Jones.
Pas d’autre animation pseudo-archéologique en perspective... Non plus que de représentation théâtrale. Si ce n’est la lecture des quelques « Nouvelles de mon cru » (qui n’apparaissent pas dans le spectacle « La corde sensible »). La représentation prévue initialement a été repoussée d’une semaine, ça se passera donc à Loches (37600), dimanche 11 octobre à 17h, dans un petit lieu associatif : « La mère Lison » (02.36.05.45.93), entrée libre, rétribution au chapeau.
La Touraine aura-t-elle bientôt l’opportunité d’accueillir, à nouveau, une représentation du Théâtre de la Fronde ?
À quand la reprise de « Rhinocéros » à Paris ?
Des lectures se succèdent, des projets s’échafaudent... Aboutiront-ils ?
Quelques précisions et rectifications à propos de la photo qui a fait l’objet de notre précédente lettre : elle n’est pas argentique et en noir et blanc mais imprimée à partir d’un fichier numérique et en couleur. Elle est une création de Jacques Moury Beauchamp. Elle sera bientôt visible sur le site de la compagnie et elle est toujours en bonne place à la mairie de Chédigny.
Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?
Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles d'octobre » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com.
À suivre...