Nouvelles de mai 2015 - Rendez-vous de juin 2015

Notre nouvel épisode :

La pizzeria la Gondole

Résumé des épisodes précédents :

Revenir à la Réunion, retrouver les amis du festival Komidi, revoir des paysages extraordinaires, s’enivrer du parfum des fleurs, de la saveur des fruits et des alcools, plonger le nez dans l’eau pour admirer des myriades de poissons multicolores...
Et retourner à la pizzeria « La Gondole » ?

La pizzeria « La Gondole » est située à la sortie de Saint-Joseph, elle propose un service de restauration rapide et convenable. Rien à voir, cependant, avec les délices épicés servis par Christiane, Jean-Dany et leurs amis, spécialistes de la cuisine créole, qui régalent, chaque soir, les festivaliers, à la « caverne des hirondelles » (une ancienne usine de manioc). Ici, l’océan Indien vient se fracasser contre la côte de basalte. Un peu plus loin, à l’extrémité de la baie de Manapany, la maison de Colette surplombe une piscine naturelle. Par forte houle, les vagues submergent la barrière de corail, viennent lécher les palmiers, cocotiers, et bananiers du jardin. Le bruit est si fort qu’on a du mal à se parler... On se laisse bercer par le ressac. L’écume est euphorisante alliée aux préparations de Vincent à base de rhum, fruits de la passion, rhum, menthe, citron, rhum et... rhum...
À quelques pas de cet Éden, la pizzeria « La Gondole » souffre un peu de son environnement immédiat : une station-service, le parking du magasin « score » et la route perpétuellement embouteillée (quand un surfeur se fait croquer par un requin, à la Réunion, la planète entière crie « au loup ». Qu’il en réchappe et l’on crie « au miracle ». Alors que c’est un miracle quotidien que d’échapper aux accidents de la route, de survivre aux vapeurs d’essence et de résister à l’embouteillage permanent de l’île. Surtout depuis que la ligne de chemin de fer a été supprimée).

Lors d’une précédente édition du Festival Komidi, il y a trois ans, la pizzeria « La Gondole » était devenue un peu notre « cantine » à Serge et moi. On y déjeunait sur le pouce avant d’aller préparer nos représentations de « Rhinocéros » ou des « Konkasseurs de Kakao » et c’est ainsi que Jérôme, le jeune technicien de la salle Pierre Poivre et moi, avions été les témoins d’une scène étrange...
Mon ami Serge Rigolet cumule les fonctions d’accordéoniste, compositeur, directeur de salle (le théâtre de Vaugarni)... avant cela, il a été photograveur dans un journal, responsable syndical, militant du PCF, animateur radio, organisateur de festival... Il a aussi été chercheur de serpents pour le compte d’un laboratoire pharmaceutique... Et il est sorcier.
La sorcellerie n’est pas un phénomène extraordinaire aux confins de la Touraine et du Berry, qu’il s’agisse de soigner une brûlure, une verrue ou un zona, et c’est le médecin, lui-même, qui vous glisse l’air désabusé : « Moi je ne peux pas faire grand-chose, là-dessus... Mais vous habitez dans le coin, depuis suffisamment longtemps... Vous devez bien connaître quelqu’un ?... Allez donc voir de ce côté-là... On ne sait jamais... ». Serge est de cette veine de sorciers modestes qui rendent service dans le voisinage. Dans son dernier spectacle, il raconte une anecdote étonnante : il se baladait, il y a quelques années dans Soweto, avec son ami Emmanuel Lafont, alors prêtre de la paroisse de Soweto à côté de Johannesburg (eh oui, Serge, irréductible communiste, a des amitiés surprenantes). Ils croisent un grand type, celui-ci s’arrête, dévisage Serge, crie « Sangoma ! Sangoma ! », éclate de rire et disparaît. « Qu’est-ce-que ça veut dire ? » demande Serge, et Emmanuel Lafont qui vit là depuis longtemps et qui connaît la langue répond : « En Swahili, Sangoma veut dire sorcier ».
C’est une scène du même ordre que nous avions vécue à la Réunion. Nous avions déjeuné sur la terrasse, Serge, Jérôme et moi, et nous entrions dans le restaurant pour commander des cafés. Serge soudain s’arrête : « C’est chargé », dit-il, « C’est pas très fort, c’est pas méchant mais c’est chargé ». Serge est crispé, mal à l’aise, il jette des regards alentours puis il s’immobilise : « C’est ça ». On ne l’avait pas remarqué et pourtant elle détone : une petite statue blanchâtre, bizarre, assez laide, évoquant une vieille femme avec un col de fourrure (il n’y a pas beaucoup d’animaux à fourrure à la Réunion), elle semble oubliée sur une étagère à l’entrée du restaurant. J’interroge le patron : « Oh ça, on sait pas. C’est là depuis toujours. C’est au proprio. Il veut pas qu’on la déplace... il a rapporté ça, d’un de ses voyages en Sibérie ». « C’est une statue Chamane » chuchote Serge, et quand je veux en faire la photo*, il recule vivement pour ne pas apparaître en cette étrange compagnie.
Nous sommes donc retournés à « La Gondole », il y a quelques jours, avec Lucile, violoncelliste de « La corde sensible », Caroline, ma compagne, et, de nouveau, Jérôme, toujours technicien de la salle Pierre Poivre. J’ai eu beau fouiller du regard : plus de poupée maléfique. J’ai interrogé le patron que je ne reconnaissais pas : « Il y a eu un changement de propriétaire, il y a quelques mois, et l’ancien a repris ses affaires. On a revu la déco et aussi les menus, je vous recommande notre tartare d’espadon... »
J’espère vivement revenir un jour, à la Réunion, y retrouver les amis, participer une nouvelle fois à ce magnifique Festival et peut-être même retourner à la pizzeria « La Gondole », moins par curiosité, cette fois, que par gourmandise (parce que c’est vrai que le tartare d’espadon...)

En attendant je vais reprendre avec plaisir mon rôle de professeur dans « La leçon » de Ionesco au théâtre de la Huchette en compagnie de Stéphanie Chodat en Joséphine Fresson du 9 au 13 juin à 20h, puis de Hélène Ardouin et Catherine Day du 16 au 20 juin. Réservation au : 01 43 26 38 99.
Le dimanche 14 juin nous fêterons les 10 ans du Théâtre de Vaugarni à la demande de Serge, je raconterai une de mes dernières nouvelles : « Le secret de Houat ». Le 28 juin, ce sera la reprise du « Mariage de Figaro » à Cologny en Suisse puis je reviendrai à la Huchette du 30 juin au 4 juillet.

Quand le théâtre de la Fronde jouera-t-il, de nouveau, en Touraine ?
Y aura-t-il une reprise de
« Rhinocéros » à Paris, à la mi-octobre ?
*La fameuse photo apparaîtra-t-elle à la rubrique
« Photo du mois » du site de la compagnie ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de juin » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (l’ensemble des chroniques y apparaît ainsi que les magnifiques
« Photos du mois »).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.

À suivre...