Nouvelles de mai 2014 - Rendez-vous de juin 2014

Notre nouvel épisode :

Commémorations

Résumé des épisodes précédents :

Pour une fois, j’étais à la mode, je ne l’avais pas fait exprès : il se trouve que je suis un inconditionnel de Maupassant depuis toujours (au moins depuis le lycée) et l’année précédente j’avais commis un spectacle en regroupant trois de ses nouvelles. Or nous étions au printemps 1992 et l’illustre écrivain avait eu la bonne idée de décéder en 1893. Je m’étais procuré, je ne sais comment, une liste des établissements culturels de France et de Navarre et je donnais des coups de téléphone de-ci de-là... Partout l’accueil était chaleureux, attentif... Jusqu’au moment où je m’avisais d’appeler en Normandie...

La mauvaise humeur de mon interlocuteur était perceptible : soupirs, grommellement... Je n’en continuais pas moins de développer mon argumentation, de vanter mon spectacle... Il finit par m’interrompre :

- On se connaît ?
- Euh, je ne crois pas mais c’est justement pourquoi je vous appelle. Mon spectacle...
- Et vous m’appelez d’où ?
- De Chédigny.
- Chénini ? Connais pas.
- Digny, avec un « D ». C’est en Touraine...
- Touraine !! (Plutôt qu’un point d’exclamation, on devrait inventer, ici, le point de stupéfaction ou, mieux encore, le point d’offuscation.) Mais monsieur, vous n’ignorez pas que Maupassant était Normand !
- Non bien sûr, mais son œuvre est universelle et...
- Sans doute, jeune homme, et je n’ai pas l’intention, ni d’ailleurs le pouvoir, d’interdire à qui que ce soit de monter ses textes mais sachez qu’ici aussi nous préparons le centenaire de la mort de Maupassant. Nous aussi, nous avons nos artistes qui, eux aussi, ont besoin de travailler... (Il parlait de « nos artistes » comme un marquis aurait dit « nos gens » ou une dame patronnesse « nos pauvres ».)

Je ne tardais pas à raccrocher et à poursuivre ma promotion téléphonique vers d’autres régions...

L’année 93 fut joyeuse, émaillée de tournées, notre spectacle se taillait un joli succès.

En 94, je repris ma liste et mon bâton de pèlerin. L’accueil fut plus tiède :

- Maupassant ? Mais pourquoi Maupassant ?
- Mais c’est un auteur passionnant.
- Oui, bien sûr... Mais bon... Ce n’est plus son année.
- ?
- Vous n’avez rien sur La Fontaine ? (mort en 1695)

Je n’en poursuivais pas moins, avec opiniâtreté, ma campagne, et c’est ainsi que je tombais, à nouveau, sur mon interlocuteur Normand. Cette fois, ce n’était plus de la mauvaise humeur, c’était la plus franche exaspération :

- Quoi ? Maupassant ! C’est fini Maupassant ! Vous m’entendez ?... Plus en entendre parler du Maupassant ! Jusque-là du Maupassant ! Les spectacles Maupassant ! L’expo Maupassant ! Les porte-clefs Maupassant ! Le cidre, cuvée Maupassant ! Les gâteaux Maupassant, fourrés à la pomme, arrosés de Calva... Ras la gueule du Maupassant ! La Normandie est sinistrée, saturée... Soyez gentil, laissez-nous. Dix ans, s’il vous plaît... Juste dix ans à ne plus nous parler de Maupassant...

J’abandonnais le malheureux à son overdose commémorative et je patientais 15 ans pour découvrir enfin cette belle région grâce au colloque de Cerisy et à Ionesco qui avait, lui, l’avantage de n’être pas de ce coin-là.

Mais je ne voudrais pas m’attirer les foudres de nos Vikings, ce travers va bien au-delà de leur territoire. Est-ce, d’ailleurs, véritablement un travers ? La mémoire collective, le fond culturel qui nous rassemble ne passe-t-il pas, aussi, par ce type de manifestations ? Ne lui devons-nous pas la tour Eiffel ?
Pourtant cette vague d’engouements unilatéraux sans autre fondement que la commémoration d’un compte rond est un peu ridicule. Nous voilà condamnés à hanter les cimetières pour décrypter les dates de naissance et de mort de tel ou tel pour déterminer nos prochaines créations. Après le bicentenaire de la révolution, l’année Hugo et tant d’autres... nous voici confrontés à l’année « Grande guerre », il n’y en a plus que pour les lettres de poilus et les poèmes d’Apollinaire... Un programmateur regrettait récemment que mon « Capitaine Le Jan » fasse référence à la deuxième guerre mondiale : « Ce n’est pas la bonne » m’expliquait-il...
Amis comédiens, les temps sont difficiles, investissons dans la bande molletière ! Une déferlante est attendue pour le prochain mois de novembre. Préparons-nous. Redécouvrons Dorgelès. Chantons « la Madelon » jusqu’à plus soif et, dans quelques mois, nous pourrons, nous aussi, proclamer, à l’instar de nos malheureux aïeux : « Plus jamais ça ! ».

Né en 1732, mort en 1799, Beaumarchais ne sera pas commémoré avant longtemps mais son « Mariage de Figaro » a tant de charme que nous n’avons pas voulu patienter et, en dehors de toute célébration nous le fêterons le 21 juin à 21h30 au Plessis Macé (49) dans le cadre du festival d’Anjou. Je suis très heureux d’interpréter pour la circonstance le juge Brid’oison et de rejoindre une équipe nombreuse et talentueuse sous la houlette de Jean-Paul Tribout (information et réservation au 02 41 88 14 14), par ailleurs je reprendrais mon rôle de professeur dans « La Leçon » au Théâtre de la Huchette à Paris du 11 au 14 juin à 20h en compagnie de Hélène Hardouin et Stéphanie Mathieu (réservation au 01 43 26 38 99).

« Le Rhinocéros » et « La Leçon » seront-ils associés en une même soirée ?
À quand la première de
« La bourriche » avec Philippe Boisneau (pêcheur de Loire), Jean-Marie Sirgue (comédien) et Bernard Charret (chef cuisinier) ?
Serge Rigolet va-t-il pouvoir bientôt réenfiler les bretelles de son accordéon ?
À quand
« La corde sensible » à la Huchette ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de juin » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (le site a été remanié, en profondeur : l'apparence est la même mais les rubriques sont plus faciles d'accès - en particulier nos chroniques - il va s'enrichir dans les semaines à venir).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.

À suivre...