Résumé des épisodes précédents :
J’étais en première ou en terminale et un grand type brun était venu en classe nous présenter le travail de la compagnie qu’il animait : le théâtre du Pratos. Je trouvais ce nom plutôt joli. Je ne sais pas trop pourquoi mais la sonorité du mot « Pratos » me plaisait, je me rappelle que ça m’évoquait le grec ancien. Je ne me doutais pas qu’en argot de technicien, « Pratos » est simplement le diminutif de « praticable » et qu’il désigne une petite estrade (on assemble les praticables entre eux pour former une scène). Je ne me doutais pas non plus que, quelques mois plus tard, j’allais rejoindre cette compagnie et que le grand type brun : Ramon Delgado, serait mon premier directeur artistique. Cette anecdote a, aujourd’hui, quarante ans et les histoires de cet âge-là ont forcément une fin un peu triste…
En ce grisâtre après-midi de début décembre, on se recueillait autour du cercueil de Ramon, on était quelques-uns de ce temps-là, plus les amis et la famille. C’est surtout Fabrice, le fils, qui parlait de ses souvenirs d’enfant. Des photos étaient projetées, on y retrouvait Ramon tel que je le connaissais et il y eut des murmures : qu’il était bel homme ! Moi, c’est la dernière photo qui m’a surpris : un autre Ramon, vieilli, malade... Après la dissolution de notre troupe, il avait continué à faire du théâtre, en amateur, et même du chant choral... Mais les années les plus intenses, nous les avions vécues ensemble, à la charnière des années 70 et 80...
Quand on rentrait dans la petite salle de théâtre que nous avions construite, en bord de Loire, on voyait une photo ancienne, en noir et blanc : un bébé joufflu et rigolard avec cette légende : « Mars 1971 - La culture vous fait part de la naissance de son petit batard : le Pratos ». C’est bien ainsi qu’on nous voyait et c’est ainsi qu’on se revendiquait : on était les « batards » de la culture, on se voulait aux antipodes de l’institution, on se voulait intransigeants et insolents (naïvement, on refusait de saluer à la fin des spectacles) mais surtout on était passionnés. On enchaînait les représentations à un rythme forcené, on parcourait le pays entassés à 6 dans une camionnette en changeant de place à tour de rôle : tantôt assis devant, tantôt à l’arrière, appuyés contre les décors avec « Riton », « Zézette » et « Julio », les trois chiens de la compagnie. Quand on ne jouait pas, on travaillait l’impro, le mime, le chant, la danse (avec des jeunes chorégraphes dont un certain « Piot » (qui, en réalité, s’appelait Philippe Découflé)... Mais on n’apprenait pas à faire des dossiers... On n’apprenait pas la docilité...
La belle aventure s’est terminée à l’aube des années 80, un âge d’or pour la culture, dont on n’a pas su profiter. On s’est révélé collectivement incapable de saisir les opportunités qui s’offraient enfin. On s’est séparé, certains ont disparu, beaucoup ont changé de métier mais des compagnies sont nées de ce vivier originel : le cirque « Contre Pour » dans le Gard, « Egg’s écho » à Paris, la compagnie « Interligne » et le « théâtre de la Fronde » en Touraine. Structures plus légères, où les artistes se retrouvent au « coup par coup » sur des projets précis, ils partagent l’essentiel : la scène. Puis chacun poursuit l’aventure de son côté... Ce mode de fonctionnement correspond, sans doute, mieux au pragmatisme actuel et à l’individualisme ambiant, pour ma part, je reconnais qu’il me convient, je ne regrette pas le travail de troupe, sa pesanteur, sa hiérarchie... Mais j’ai un peu la nostalgie de ces engouements collectifs et utopiques des années 70. On s’imaginait, alors, que le théâtre pouvait changer le monde.
Aujourd’hui, le théâtre de la Fronde vous présente ses meilleurs vœux, et c’est à ça, aussi, qu’on prend la mesure du temps qui passe…
Du mardi 7 au samedi 11 janvier prochain, à 20h, sur le plateau du théâtre de la Huchette, à Paris (réservation au 01 42 49 27 97) je retrouverai Catherine Day et Pauline Vaubaillon pour une belle aventure collective : « La leçon » d’Eugène Ionesco.
Va-t-on, enfin trouver un digne remplaçant à notre « Menuiserie » (si vous avez une piste n’hésitez pas à nous en faire part) ?
« Le Rhinocéros » et « La Leçon » seront-ils associés en une même soirée ?
Que manigancent donc Philippe Boisneau (pécheur de Loire), Jean-Marie Sirgue (comédien) et Barnard Charret (chef cuisinier) ?
Après l’accueil magnifique fait à « La corde sensible », nos amis oseront ils une aventure parisienne ?
Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?
Vous le saurez bientôt, en lisant «Les nouvelles de janvier » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (en cours de réactualisation).
Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.
A suivre...