Nouvelles de juillet 2013 – Rendez-vous d’août 2013

Notre nouvel épisode :

Festival IN / Festival OFF

Résumé des épisodes précédents :

Cette année, pour la première fois depuis très longtemps, je ne suis pas allé à Avignon, j’ai pu ainsi vérifier l’adage selon lequel c’est bien la seule ville en France où on n’entend pas parler du festival IN. Voilà un propos qui mérite une explication : l’offre à Avignon est tellement phénoménale et la proximité est telle entre public et spectacles qu’elle ne laisse pratiquement pas de place aux médias, c’est la chance, l’impulsion, la curiosité, le bouche à oreille... Qui vous portent vers la salle et le spectacle du moment (on en voit entre trois et cinq par jour). Partout ailleurs, on a besoin des médias, on ouvre, alors, la radio et on reste stupéfait : la presse ignore sciemment 95% de la proposition théâtrale faite à Avignon et ne parle que du Festival IN. Sur cette irritante situation, on me pardonnera d’apporter mon grain de sel.

C’était en juillet 2005, et Olga Nirod était la déléguée de l’institut Français d’Ukraine au festival d’Avignon. J’ai déjà eu l’occasion de parler d’Olga, cette amie très chère, qui nous a accompagné dans plusieurs échanges artistiques entre Ukraine et Touraine. Il faut pourtant rappeler ici quelques éléments de sa vie. Les parents d’Olga étaient russes, ils s’étaient rencontrés dans un camp de prisonniers, en Allemagne et, après-guerre, s’étaient établis en Belgique. Son père était « danseur de caractère », il accompagnait de grands artistes, tels que Charles Trenet, dans des tournées internationales. La petite Olga fut élevée dans un confort bourgeois jusqu’à leur divorce. Un après-midi de la fin des années cinquante, elle avait alors une quinzaine d’années, son père l’attendait à la sortie du lycée, il l’emporta avec lui « de l’autre côté du mur ». Elle ne put en revenir qu’à partir des années quatre-vingt-dix. Entre temps, bien sûr, elle avait fait sa vie en Russie puis en Ukraine, elle y avait eu des amours, des enfants... Elle y avait travaillé comme danseuse, puis comédienne, puis couturière de spectacle... Nous l’avions rencontrée alors qu’elle était interprète et professeur de théâtre bilingue à l’institut Français d’Ukraine. Ce petit rappel biographique était nécessaire pour bien comprendre qu’en ce mois de juillet 2005, ce n’était pas seulement Olga Nirod, comédienne sexagénaire, qui arpentait la place du Palais des Papes, c’était aussi la petite Olichka, seize ans, qui courait à son rendez-vous avec (au moins) le grand Gérard Philipe. Elle était arrivée de Kiev, le jour même, via Air-France et le TGV, tout avait été parfaitement organisé par le service de l’ambassade, une chambre lui avait été réservée dans un très bel hôtel du centre-ville, et son accréditation l’attendait à l’entrée de la cour d’honneur pour « L’histoire des larmes », création de Jan Fabre qui avait, cette année-là, le statut extrêmement prestigieux d' « Artiste associé » du Festival. Ce spectacle fit beaucoup causer dans le « landernau » culturel, je n’ai pas assisté à sa représentation mais j’ai vu Olga, à la sortie de la cour d’honneur : Jan Fabre aurait étranglé Gérard Philipe sous ses yeux qu’elle n’en aurait pas été davantage traumatisée...

Quelques jours plus tard, je croisais un autre visage décomposé, alors que je distribuai mon lot quotidien de prospectus dans les rues d’Avignon, c’était une femme d’une quarantaine d’années, elle était effondrée :

- Vous avez vu l’article, dans Libé ? C’est épouvantable !
- Pardon ?
- Dans Libé, l’article sur le Corneille, ils l’ont torpillé... Les salauds !
- Vous savez les journalistes, faut pas toujours croire...
- Malheureusement c’est vrai ! J’y étais ! C’était épouvantable ! Nul à chier ! Les gens n’ont même pas attendu l’entracte pour se barrer ! Les salauds ! Epouvantable !
- Ce sont des choses qui arrivent, quand on prend des risques, des fois, on se plante. C’est normal...
- Pourtant quand ils nous ont fait une répétition, rien que pour nous, il y a deux mois à (et là, elle me cite le nom d’une ville de banlieue parisienne que j’ai oublié), c’était pas mal, c’était prometteur, le concept était bon.
- Vous savez deux mois avant la première, on ne peut pas se rendre compte. Le concept, ça ne fait pas tout.
- Il n’avait pas le droit de nous faire ça ! De se planter comme ça ! On a l’air de quoi, nous, à la comm' ? Ca fait presque deux ans qu’on bosse là-dessus...

Et la jeune femme de m’expliquer qu’elle fait partie d’une équipe de plusieurs personnes en charge de ce travail, qu’elles ont monté la production, trouvé les partenaires, débloqué les subventions, élaboré la stratégie de comm'... Que ce spectacle n’était qu’une étape... Qu’il y avait une vraie vision d’ensemble, un véritable projet... « Tout ça foutu à l’eau à cause de ce putain de spectacle de merde ! ». Un désespoir sincère donnait de vives couleurs au vocabulaire de la chargée de comm'.

- Ecoutez ! Un artiste a le droit de se planter. Il n’y a pas de recette...
- Mais Putain ! Vous ne comprenez donc pas que le prochain Artiste Associé du Festival, c’est lui !
- Le festival ? Mais attendez, celui de cette année n’est même pas terminé et vous...
- Mais qu’est-ce qu’il s’imagine, celui-là ? Que ce genre de décision, ça se prend quinze jours à l’avance ! Ça fait bientôt deux ans qu’on bosse là-dessus ! Merde ! Tout ça pour rien ! On pourra jamais rattraper ce coup-là ! Tout ça, à cause d’une mise en scène de chiotte et de ces putains d’alexandrins de merde !...

J’étais touché par l’expression d’un désespoir aussi profond et je laissai à la jeune femme une invitation à nos « Konkasseurs de Kakao » en lui promettant que Prévert et Nougaro sauraient la consoler de Corneille... En vain, je ne la revis plus jamais. Quant au brillant metteur en scène, responsable du massacre Cornélien, il dut subir une pénitence de plusieurs mois : il ne fut pas l’artiste associé au festival de 2006. Il le fut... en 2007. Il devint ensuite l’éphémère directeur d’une importante salle parisienne et tout récemment, il intervenait de nouveau dans le IN, en tant que comédien, dans un spectacle dont on a longuement vanté, à la radio, les grandes vertus soporifiques...
Ainsi en va-t-il d’un festival IN & OFF durant lequel une immense majorité d’artistes est confrontée à la dure et injuste loi du marché tandis que quelques autres développent leur carrière, de bide en bide, avec la tranquille sérénité des vaches sacrées, au grand désarroi des comédiennes ukrainiennes et des chargées de comm' de banlieue...

Bien loin d’Avignon, je reprendrai ma défroque de professeur à Paris, au théâtre de la Huchette, où je retrouverai avec beaucoup de plaisir Emilie Chevrillon (l’élève) et Joséphine Fresson (la bonne) pour notre série de représentations de « La Leçon » de Eugène Ionesco du mardi 6 au samedi 10 août à 20h, réservation au 01 43 26 38 99.
Il est question d’organiser, le 27 août, au soir, une représentation de « Mise en senne » à Rochecorbon (37), l’objectif étant de réaliser une captation vidéo pour l’émission « Vue sur Loire ». Rien n’est encore définitivement arrêté à ce jour, et la jauge risque d’être limitée, il conviendra d’appeler préalablement le 06 10 21 38 62.
Par contre nos représentations de septembre sont, elles, parfaitement assurées, elles auront lieu le dimanche 8 à 17h à la salle Cocteau de Monts (37) et le jeudi 19 à 20h, à la salle des fêtes de Bourgueil (37) et nous donnerons à ces occasions des représentations de « Capitaine Le Jan ».
Il y aura davantage d’informations dans les nouvelles du mois prochain mais il faut, d’ores et déjà, retenir les dates...

Y aura-t-il une version allemande de « Capitaine Le Jan » ?
Y en aura-t-il une espagnole ?
Le
« Rhinocéros » trouvera-t-il un second souffle ?
Balzac ? Fauchois ? De qui sera le texte qui fera l’objet du prochain projet artistique de la compagnie ?
Des écrits récents seront-ils intégrés à
« La corde sensible »

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles d’août » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (bientôt rénové : ça fait partie des bonnes résolutions).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.