Résumé des épisodes précédents :
Je n’ai pas la fibre pédagogique extrêmement développée mais il m’arrive parfois d’animer des ateliers-théâtre dans des collèges et lycées et c’est toujours une expérience émouvante...
L’avantage quand on redouble c’est qu’on est plus grand que les copains, alors quand, déjà au départ, on est plutôt costaud et qu’en plus on sait se bagarrer (on apprend au moins ça dans les centres d’accueil pour enfants) on peut facilement jouer les caïds à la sortie mais comment, de là, se retrouve-t-on dans l’atelier-théâtre du collège ? Le mystère n’est pas bien épais, il a quelques formes naissantes, des yeux bleus ou noisettes, des boucles blondes, brunes, rousses, il s’appelle Barbara, Karine, Chloé... Bref c’est pour suivre les filles du collège qu’Alexandre s’est retrouvé dans l’atelier que j’animais tous les jeudis entre la cantine et les premiers cours de l’après-midi dans un collège de l’Indre. Ce n’était pas un atelier facile car il regroupait tous les volontaires de la 6ème à la 3ème : une bonne vingtaine de gamins encadrés par des enseignantes enthousiastes... On travaillait sur : « Trubert le fourbe », un texte étonnant, contemporain du « Roman de Renart » et qui ne lui cédait en rien pour ce qui est de la violence et de la paillardise : l’histoire d’un seigneur médiéval battu cocu et content. Un gamin de 6ème chétif et futé avait décroché le rôle du paysan Trubert. Par contraste il fallait un seigneur qui portât beau. Un rôle à la mesure du bel Alexandre... Et c’est ainsi que la terreur des récrés s’est retrouvé bastonné à longueur de répétition par ceux-là même qu’il rackettait à la sortie. Contre toute attente, Alexandre se prêtait au jeu avec bonne grâce, cet adolescent avait déjà un pied dans la délinquance mais il restait un gamin en manque d’affection et de reconnaissance, et voilà que, peu à peu, les regards sur lui changeaient, le caïd découvrait progressivement qu’il était plus drôle de faire rire que de faire peur et qu’il était plus plaisant d’avoir des amis que des victimes... Depuis la rentrée, Alexandre ne fichait pratiquement plus les pieds en cours et il séchait le collège avec assiduité mais il fit bientôt une exception pour les cours du jeudi après-midi. La date de représentation de fin d’année approchant, il fallut intensifier le rythme : les enseignantes convinrent d’une deuxième répétition le lundi. Alexandre vînt donc au collège le lundi. Le mardi, il n’y avait pas théâtre mais il y avait gym... et c’est ainsi que, peu à peu, Alexandre renoua avec une scolarité normale et qu’il décrocha, haut la main, son BEPC.
La représentation de Trubert, sur la place du bourg, par une belle nuit de juin, connut un succès remarquable, tout le collège était là, parents, amis... La responsable de la médiathèque d’une ville voisine était conquise ! Pensez donc : un fabliau du XIIIème siècle adapté par et pour des collégiens ! Elle proposa d’organiser une deuxième représentation en ouverture de saison, à la rentrée prochaine. Dans le rang des jeunes comédiens l’enthousiasme était à son comble : une tournée à Buzançais ! N’était-ce pas l’antichambre de Hollywood : le début de la gloire !
Le premier mercredi de septembre suivant, tous étaient au rendez-vous. Les aînés avaient quitté leur nouveau lycée pour retrouver leur ancien collège. Seul Alexandre manquait à l’appel, il avait intégré un LEP dans une région voisine mais la rentrée s’était mal passée et, très vite, il avait déserté l’établissement. Je ne suis pas éducateur et j’ai parlé en homme de théâtre (je l’ai regretté ensuite). J’ai rappelé qu’on avait une échéance et un public à respecter. Si Alexandre acceptait de nous rejoindre, une ou deux répétitions pourraient suffire, sinon il faudrait le remplacer longtemps en amont.
Alexandre refusait tout contact avec les adultes mais on savait qu’il trainait autour du collège, les jeunes faisaient les intermédiaires, nous transmettaient ses propos... Il voulait revenir à sa vie d’avant... Mais il avait dix-huit ans désormais...
L’atermoiement a duré plusieurs jours, nous étions sur des charbons ardents, finalement, les collégiens ont décidé de ne pas remplacer Alexandre. « On veut pas le laisser tomber... Si on le remplace ça voudra dire qu’il n’a plus sa place et il ne voudra plus nous parler. » Très vite, octobre est arrivé et « Trubert le fourbe » n’a jamais connu de deuxième représentation. On n’a plus jamais entendu parler d’Alexandre et je ne crois pas qu’il y ait lieu d’être optimiste... C’est un souvenir un peu douloureux, je pense vraiment que grâce au théâtre, on a été très près de récupérer ce gamin...
La présente lettre arrive alors que le mois est bien entamé, nos premiers rendez-vous sont déjà derrière nous : trop tard pour annoncer la lecture de « Capitaine Le Jan » du lundi 8, au théâtre de la Huchette ou la représentation de « Rhinocéros » du jeudi 11, à la bibliothèque de Malesherbes (45). De toute façon la salle était pleine dans les deux cas et l’accueil fait à la lecture fut extrêmement réconfortant. Notre ultime rendez-vous d’octobre aura lieu le vendredi 26 à 20h30 à l’espace Ligéria, 9 rue de la Croix Blanche, 37270 Montlouis-sur-Loire, c’est une grande salle et nous vous espérons nombreux pour « Les trous dans la couverture », nous partagerons les nouvelles de Jean-Pierre Chabrol et les notes de Serge Rigolet.
L’essentiel de ce mois d’octobre se passe en répétitions à Vaugarni, à Chédigny et bientôt à l’espace Malraux de Joué-lès-Tours. Peu à peu, notre prochain spectacle prend forme. Aurais-je le temps, d’ici la création, de rédiger une prochaine lettre ? Rien n’est moins sûr : on est toujours un peu débordé pendant les derniers jours de répétition et je vais avoir du mal à me disperser autour d’un clavier... Il est plus prudent de prendre, d’ores et déjà, rendez-vous les 8 et 9 novembre pour la création de «Capitaine Le Jan » à l’espace Malraux, 37300 Joué-lès-Tours.
À quoi la prochaine exposition des archives départementales d’Indre & Loire sera-t-elle consacrée ?
Qu’est-ce qu’un(e) psychogénéalogiste ?
Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?
Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles d'octobre » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com
Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.