Nouvelles de mai 2012 - Rendez-vous de juin 2012

Notre nouvel épisode :

Chronique flatteuse

Résumé des épisodes précédents :

Au fil des ans et des tournées, j’ai quand même fait une petite pelote d’articles de presse plutôt élogieux mais je ne pensais que celui dont je serais le plus fier, celui qui me toucherait le plus, ne mentionnerait même pas mon nom et que, de plus, il relaterait un des plus sévères bides de ma brillante carrière.
C’était l’hiver dernier, nous jouions
« La Leçon », Jacqueline Staup, Hélène Hardouin et moi-même. En face de nous, dans la pénombre de la salle de la Huchette... deux spectateurs.
(je leur cède la plume.)

Une salle vide... Cela arrive dans la vraie vie. L’autre soir, le chroniqueur et son épouse avaient décidé, pour célébrer un anniversaire intime, de changer. Pas de restaurant, pour cette fois. « Tiens, si on allait à la Huchette ? » La Huchette, tout le monde connaît. Tout Parisien qui se respecte se dit, de temps en temps : « Il faudra que j’y aille un jour. » Mais la Huchette c’est un peu comme la tour Eiffel ou les bateaux-mouches : les provinciaux de passage en raffolent, les Parisiens ne manqueront pas d’y aller... plus tard.

Depuis 1957 se donnent dans ce minuscule théâtre de la rive gauche les deux courtes et célébrissimes pièces d’Eugène Ionesco, « La Cantatrice Chauve » et « La Leçon ». La dix-sept millième représentation a eu lieu au printemps de cette année. Des générations d’acteurs se sont succédé sur les planches du petit théâtre où l’on ne peut guère être plus de soixante spectateurs. Les rires emplissent vite le volume. Ce soir-là, il y avait, pour la Cantatrice, des brigades de jeunes américaines caquetant et nasillant avant les « trois coups ». Un bruit d’enfer. Une pièce folle, hilarante, bien connue. Puis la salle se vida.

On escomptait, pour la Leçon, en deuxième spectacle, la venue d’un groupe qui avait retenu quelques places. Nul ne se montra : c’était un groupe fantôme, une troupe de déserteurs. Restèrent deux spectateurs, au milieu de la salle. Le chroniqueur et son épouse. Gênés, on peut le croire. Isolés, un peu penauds. « Ils ne vont tout de même pas jouer pour nous deux ? » Si, ils jouèrent, pendant une heure. Mettant beaucoup de cœur à l’ouvrage. Sachant qu’il n’y avait personne d’autre pour rire, les deux de la salle riaient excessivement fort, pour meubler l’espace. Pour faire foule à deux...

Chacun a des expériences de ce type. Des surprises, bonnes ou mauvaises. Quand vous êtes seul dans un lieu mythique, une cathédrale en plein hiver, une aérogare après la fermeture, le lycée de votre enfance durant les vacances scolaires, vous avez toujours le sentiment d’occuper indûment la place où le hasard vous a mis et que vous offre l’absence de tout autre. Vous êtes coincés, si l’on peut dire, dans le vide. Pas de chemin de fuite possible. Il faut donc jouer le jeu de la présence. En l’occurrence, sur scène, trois personnages, dans la salle, deux personnages. Inhabituelle proportion.

Les comédiens auraient été fondés à annoncer que, faute de combattants, le combat absurde de la Leçon ne pourrait avoir lieu. Au contraire. Ils jouèrent, avec ardeur, avec puissance et talent. On aurait dit que leur engagement était accru par rapport à ce qu’il aurait été si la salle avait été comble. Comme s’ils lançaient un défi au vide. À la fin, la salle acclama les comédiens, battit des mains à se rompre les phalanges, et prit la parole pour remercier chaleureusement la troupe pour avoir fait « comme si ».

Ce fut une expérience étrange mais heureuse. Elle démontra la persistance, dans les recoins de notre société, d’une gratuité totale. Ils n’avaient rien à gagner à se défoncer comme ils le firent. Ils n’avaient rien à démontrer à deux péquins assis. Peut-être se dirent-ils, tous les trois, que cette soirée bizarre serait, dans leur carrière, un souvenir poétique. Un moment de grâce ? Ce fut le cas pour nous. Désintéressement, gratuité de l’effort, absence de récompense, gain nul : nous étions dans un autre monde. Et il faisait très bon, dans ce monde-là. Merci à eux !

Bruno Frappat : « L’humeur des jours », chronique dans « La Croix » du 17 décembre 2011.

Les représentations dans le désert ne sont pas monnaie si courante au théâtre de la Huchette : on fait même salle comble, sans interruption, depuis plusieurs semaines et il est donc vivement recommandé de réserver au 01 43 26 38 99 pour les représentations de « La Leçon » que nous donnerons, Stéphanie Chodat, Nicole Huc et moi, du 5 au 9 juin à 20h.

Le mercredi 20 mai, à 19h, Serge Rigolet et moi jouerons « Les Konkasseurs de Kakao » sous chapiteau et sur la place du village de Briquenay dans les Ardennes (08). Réservation auprès de l’association « Les Tourelles » au 03 24 71 64 77.

Enfin, les vendredi 22 et 29 juin (ainsi que le vendredi 6 juillet) à 21h, avec Lucile Louis et son violoncelle, nous reprendrons « Les nouvelles de mon cru » dans la toute petite (mais magnifique) salle de Arcade Institute, 8 place de la Monnaie Tournois dans le vieux Tours (37). On vous espère nombreux et curieux de découvrir cette récente création. Réservation au 02 47 66 25 65.

Jean-Marie Sirgue décrochera-t-il le permis fluvial qui lui permettra d’entamer, en parallèle, une carrière de Batelier de Loire ?
Interprétera-t-il le rôle d’Omar la balance dans le prochain long-métrage de Samuel Rondière :
« La braconne » ?
Que devient Tolstoï ?
Que devient le Capitaine Le Jan ?
Nos amis retourneront-ils à la Réunion ? (En sont-ils vraiment revenus ?)

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de juin » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.