Résumé des épisodes précédents :
Nous jouions « Rue de Paradis » de Jacques Prévert au Théâtre National de Tunis. La tournée avait été organisée par l’attaché linguistique de l’ambassade de France.
Une première représentation destinée aux scolaires avait été donnée en matinée. Le soir, ce serait la « tout public ». Le directeur du service culturel, responsable de notre programmation et qui avait découvert notre travail, à l’occasion de la scolaire, vînt me trouver, en début de soirée. L’échange fut piquant.
- Bravo ! Félicitation ! Magnifique spectacle ! J’aime beaucoup ! Vraiment !
- Merci.
- Vous avez remarquablement traduit l’esprit de Prévert...
- Merci.
- Jusque dans ces excès.
- ?
- Oui. Quand même, ce Prévert, quel personnage !... Terriblement anticlérical et antimilitariste.
- Cet aspect-là était un peu occulté. On ne retenait que « Les feuilles mortes » et « En sortant de l’école ». Nous, on a voulu rendre compte de tout.
- Et vous l’avez très bien fait. Bravo ! Votre mise en scène est très... expressive.
- Merci.
- Il y a ce texte sur « L’Amiral ». Qu’est-ce qu’ils prennent les amiraux ! Très drôle !... Vous savez que l’ambassadeur vient, ce soir ?
- Non, je ne savais pas. On est très honoré...
- Vous savez qui c’est ?
- Non.
- L’amiral Lanxade... Je me demande comment il va prendre la chose ?
- On verra bien.
- Oui, oui... On verra bien. À un autre moment dans votre spectacle, la comédienne traverse le plateau, dans toute sa largeur, avec le drapeau Français à la main.
- Oui...
- Elle le tient par la hampe mais le drapeau, lui-même, traîne sur le sol... L’image est forte.
- En effet.
- Je me demande... Elle pourrait, peut-être, serrer un peu les doigts et relever le drapeau ?
- (J’eus, alors, une réplique dont je suis assez fier) Excusez-moi, mais j’ai mis en scène Jacques Prévert. Pas Jacques Lanxade.
- (Sa répartie m’a surpris) Vous avez raison. D’ailleurs, je ne vous ai rien dit. Je n’ai rien vu. C’est bien simple... je n’étais pas là. (Et il me quitta sur un sourire)
La représentation du soir eu beaucoup de succès. L’ambassadeur vint nous voir dans la loge, il était accompagné du grand comédien, grand fantaisiste et grand ami de Prévert : Philippe Clay (nous avons ensuite longtemps correspondu, Philippe Clay et moi, et j’ai même eu l’occasion de le faire intervenir dans un autre de mes spectacles). L’ambassadeur s’est déclaré enchanté.
Je pense ne pas avoir trop mal joué, ce soir-là, l’intervention du directeur était certes perturbante mais je reste peu perméable au stress et aux pressions. Catherine avait été parfaite, comme à l’accoutumée. Il est vrai que je ne lui avais rien dit de cet échange pour ne pas la troubler.
Beaucoup plus tard dans la soirée, Catherine s’est approchée de moi :
- Tu sais le type du service culturel est venu me voir, dans l’après-midi. Il est gonflé : il voulait que je change la scène du drapeau.
- Qu’est-ce que tu lui as répondu ?
- Que j’avais déjà un metteur en scène.
- Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?
- Je n’ai pas voulu t’embêter avec ça, avant la représentation du soir.
Nous avons bien ri, Catherine et moi : ainsi nous avions cherché à nous protéger mutuellement, mais aucun d’entre nous n’avait cédé. J’étais plutôt fier. Après tout, on s’appelle « le théâtre de la Fronde », pas « la compagnie des paillassons ».
Cette bravoure d’histrion est pourtant bien futile. Le directeur du service culturel, lui-même, diplomate policé s’il en fut, ne manqua pas de vrai courage, quelques années plus tard : en poste à Kigali, il déclara sur RFI : « La France a mis cinquante ans à reconnaître la guerre d’Algérie, elle en mettra autant à reconnaître sa responsabilité dans le génocide Rwandais ». Ceci relativise cela.
Quant à Raphaël, l’attaché linguistique qui était à l’initiative de notre tournée, nous nous sommes revus, à plusieurs reprises. C’est un type extraordinaire, un amoureux du désert et des arts premiers, il a inspiré un des personnages de mon spectacle « Le masque de pierre ». J’ai reçu de lui un courriel, il y a quelques jours, il racontait, de l’intérieur, les manifestations de la place Tahrir, il était au cœur des évènements. Il a été filmé avec une banderole « Casse-toi sale con ». « C’est destiné à Moubarak », a-t-il expliqué, sur BFM TV, « mais via notre président qui saura transmettre, c’est un langage qu’il connaît ». La semaine dernière sur France Inter, j’apprenai que Raphaël avait été suspendu, sur le champ, de son travail d’enseignant au Lycée Français du Caire et qu’il avait été immédiatement rapatrié en France, alors même qu’il est marié avec une égyptienne et qu’ils ont deux enfants...
Mes activités du moment me portent dans des contrées moins agitées : répétitions à Avignon où « Chagrin d’école » n’est plus de saison : trop difficile à adapter. Je jouerai donc, avec Roch-Antoine Albaladejo, une très aimable comédie : « Le CV de Dieu » de Jean-Louis Fournier.
Les 11 et 12 mars à 14h30 et 20h30, le théâtre de la Huchette donnera 2 représentations de « La Leçon » de Ionesco, dans la salle des templiers de Beaulieu-lès-Loches (37), réservation auprès de NACEL : 02 47 92 22 26.
Le 19 mars à 20h30, « Célimène & le Cardinal » de Jacques Rampal au Centre Culturel de Buzançais (36), réservation au 02 54 84 19 33 ; le 25 mars à 18h, à la médiathèque Albert Camus d’Issoudun (36), « Les trous dans la couverture » de Jean-Pierre Chabrol, réservation au 02 54 21 61 43. Le samedi 26 mars à 21h ce sera la reprise du spectacle/lecture que j’avais créé en janvier dernier chez Isabeau de Touraine à Loches, à partir de quelques histoires que j’avais écrites. Le spectacle s’appelle donc « Nouvelles de mon cru », il sera donné au Café-Restaurant « Le Soleil Levant » à Tauxigny (37) dans le cadre de l’exposition Slaweska, réservation au 02 47 92 18 14. Enfin le jeudi 31 mars à 19h, c’est à la médiathèque de Chambray-lès-Tours (37) que nous donnerons « Les trous dans la couverture » réservation au 02 47 43 17 43.
Quand la compagnie va-t-elle bientôt pouvoir plastronner dans un camion carrossé de neuf ?
Le nouveau site sera-t-il bientôt en ligne ?
L’aventure Avignonnaise est-elle à l’ordre du jour ?
Une prochaine création mijote-t-elle dans nos chaudrons ?
Le succès les guette, les huissiers les pourchassent !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?
Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de mars » !
Vous en saurez un peu plus en visitant notre site : www.theatredelafronde.com.