Nouvelles d'avril 2010 - Rendez-vous de mai 2010

Notre nouvel épisode :

Ceux qui arrivent avant leur train

Résumé des épisodes précédents :

Je connais l’attachement des cheminots à la ponctualité. Je sais trop la fierté qu’ils éprouvaient, jadis, à la vérifier, train après train, pour ne pas souffrir avec eux des sempiternels messages sur les quais de gare
« Nous vous prions d’excuser le retard... ». Un jour je raconterai quelques galères récentes : comment, de retour de Roumanie, j’ai été éjecté d’un TGV par une demi-douzaine de flics et autant de militaires en armes pour cause de bagage non conforme. Ou comment le feu dans un moteur de locomotive, à Meung-sur-Loire, m’a empêché de tenir mon rôle à la Huchette... Aujourd’hui, je préfère dire que, grâce à la grève, nous avons pu attraper, à Metz, une correspondance imprévue qui, elle-même, était en retard, et c’est ainsi que, arrivés à Thionville avec 45 minutes d’avance, « les Konkasseurs » ont acquis aux yeux des organisateurs du festival un prestige supplémentaire : nous sommes désormais « ceux qui arrivent avant leur train ».

On peut aimer les spectacles pour plein de raisons différentes, j’aime jouer « Les Konkasseurs de Kakao » parce que c’est un spectacle facile. Je devrais faire cette confession le rouge au front : un spectacle, à l’instar d’une fille de bonne famille, ne saurait être facile. Dans le monde du théâtre, il est bon d’étaler ses tourments, ses souffrances intérieures et l’âpreté de sa réflexion... J’aime pourtant cette facilité (relative) qui me rend disponible aux rencontres et aux aventures. C’est ainsi que nous avons découvert la vallée de la Fensch. Nous y étions invités par le festival « Scènes au Bar ». Un festival qui annonce clairement son programme ! A Nilvange, au café central. C’était la première fois que Martine et Léo ouvraient leur établissement, ils ont fait du prosélytisme et de ce fait, ce n’est pas les habitués du festival que nous avons rencontrés mais plutôt les habitués du café : une population plus colorée, plus tatouée, plus rugueuse... Des spectateurs qui n’étaient pas acquis d’emblée mais qui se sont laissés prendre au jeu, et ce fut un bonheur d’entendre les rires narquois des ouvriers de la sidérurgie devant les misères des employés du tertiaire tels que rapportés dans le texte « Le prunus » de Noëlle Renaude. Ce fut un régal de partager avec eux ces morceaux de roi que sont les textes d’Hugo, Maupassant, Nougaro, Desproges, Prévert... Les conditions techniques étaient épouvantables : dos au zinc, une salle carrelée qui renvoyait les sons comme le ferait, d’une balle, une raquette de ping-pong. Face à nous, au-dessus des spectateurs, un unique projecteur de 1000 W suspendu par une élingue à... la hotte aspirante... (Les habitants de la vallée de la Fensch vivent avec, au-dessus de leur tête, des épées de Damoclès autrement plus redoutables... Ne serait-ce que ce terrible gazoduc qui conduit, tout au long de la vallée et jusqu’à une torchère, un gaz lourd et inodore mais d’une toxicité telle qu’une petite fuite, consécutive, il y a une trentaine d’année, à la collision avec une péniche, avait entraîné la mort instantanée des six mariniers et l’évacuation immédiate de 10 000 personnes...)

Le lendemain, le même unique projecteur était suspendu à la gaine d’aération du Café « Sur le pouce » à Hayange, les interprètes, eux, étaient installés, en toute simplicité, devant la porte des toilettes, et les neuf lettres argentées du mot « Toilettes » brillaient du même éclat que le chrome de l’accordéon de Serge. J’ai connu des endroits plus prestigieux : certains théâtres sont tellement beaux, tellement imposants, empesés et solennels qu’on y est artiste avant même d’ouvrir le bec. Il en va autrement dans un bistrot... mais la fierté n’est pas moindre.

J’étais déjà venu dans la vallée de la Fensch au début des années 80, je gardais le souvenir confus d’un petit théâtre désuet à Sérémange et de grandes lueurs rouges dans le ciel des hauts fourneaux... Plus de lueurs désormais. Il ne reste plus que deux hauts fourneaux en activité. Un troisième est reconverti en œuvre d’art contemporaine par la grâce de quelques projecteurs et le génie d’un plasticien institutionnel... Alibi culturel ? Lieu de mémoire ? Pôle touristique ?... Difficile de trancher.

Étrange paysage que cette vallée qui avale sa rivière et la noie sous le bitume. Étrange ces villages aux noms d’anges (Hayange, Sérémange, Knutange, ...). L’architecture y est allemande, la cuisine italienne, on y parle le francique autant que l’ukrainien, on y aime Prévert et surtout Lavilliers...
Le théâtre de la Fronde nous emportera dans les Landes, au cours des prochaines semaines : nous jouerons « Les Konkasseurs de Kakao » au festival de Dax, le lundi 31 mai à 18h, réservation au 05 58 56 80 07, et le lendemain à la même heure et au même endroit ce sera « Rhinocéros », mais nous serons alors en juin. Nous en parlerons donc plus tard...

En mai continueront-ils à ne faire que ce qui leur plait ?
Quelles seront les nouvelles partenaires (l’élève, la bonne) de Jean-Marie Sirgue dans la série de représentations de
« La Leçon » qui sera donnée au théâtre de la Huchette à Paris, du 24 au 29 mai, à 20h (téléphone : 01 43 26 38 99) ?
À quelle discipline artistique le même Jean-Marie Sirgue va-t-il s’exercer pendant le stage intensif dispensé par Catherine Berbessou et Federico Rodriguez Moreno dans le cadre de sa formation professionnelle ?

Le succès les guette, les huissiers les pourchassent !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de mai » !

Vous en saurez un peu plus en visitant notre site : www.theatredelafronde.com (promis je vais essayer de mettre en ligne les belles photos que Yann Gachet a prises de
« Carcan & Flèches ») et beaucoup plus en venant nous voir !