Pensées profondes - Anecdotes piquantes
Rendez-vous prochains (mars 2017)

Notre nouvel épisode :

La nuit de l’Absurde

Résumé des épisodes précédents :

Un record du monde qui serait battu et agrandi tous les jours !
« Ce n’est pas possible » diront les sceptiques. Ils auront tort : tous les jours (sauf les dimanches et lundis) on accroît d’une représentation le record de longévité du même spectacle dans un même lieu. Sont déclarés vainqueurs ex æquo « La cantatrice Chauve » de Ionesco et « La leçon » du même Ionesco. Ca se passe au théâtre de la Huchette, à Paris. Ça fait 60 ans que ça dure et ça fait de notre petite équipe (50 comédiens, quand même) la plus ancienne après la comédie Française ! Tout ça méritait bien quelques festivités... Parmi celles-ci : « La nuit de l’Absurde ».

Par tous les temps et contre vents et marées, avec la rigueur d’un coucou suisse et la ponctualité de Big Ben, le rideau de la petite salle s’ouvre, à 19h, sur « La cantatrice chauve ». A vingt heures précises, c’est au tour de « La leçon ». Il en est ainsi depuis le 16 février 1957.
On s’est avisé qu’il est toujours 19 et 20h quelque part dans le monde et on a mis en place « les 24 heures de la Huchette ». En fonction de leur disponibilité et de leur résistance au sommeil, les cinquante comédiens se sont répartis les distributions.
C’est le méridien du Brésil, Guatemala, Surinam, Argentine qui m’est échu, puis j’ai recommencé 2 heures plus tard, c’était alors le début de soirée à New York, Bogota, Lima, Montréal, La Havane... À Paris il était 2 heures du matin. Et même deux heures et demie (le coucou suisse s’étant un peu détraqué au fil des représentations). Par gageure et pour monter d’un cran dans la conquête de « l’Absurde », on s’était mis en tête de doubler voire tripler certains rôles, je restais le seul « professeur » mais Émilie, Lucie et Pauline se partageaient le rôle de l’élève tandis que la bonne était jouée par Joséphine, Marie, Stéphanie et même, pour la scène de fin, par Ider (technicien) et Jean-Noël (directeur). Beaucoup de monde sur le plateau au moment du salut. Une belle effervescence dans la loge, une poule aurait eu du mal à retrouver ses poussins (quant à moi j’aurais aimé trouver une chemise à ma taille, faute de quoi j’ai réussi à rentrer dans du 42). À l’étage en dessous, dans la cave de la Huchette, le foyer des artistes avait débordé sur le local administratif, il y avait là les comédiens qui avaient fini de jouer, ceux qui attendaient leur tour et surtout ceux qui venaient pour être de la fête. On faisait honneur aux commerçants du quartier (charcutier, épicier, crémier, pâtissier, caviste) qui avaient été largement mis à contribution.
Sur scène, se déroulaient d’étranges spectacles. Ce procédé du changement de rôle en cours de représentation n’a rien de vraiment original (il est couramment utilisé en milieu scolaire car il permet à chaque élève de se frotter au plateau) mais cette petite malice de mise en scène était bien dans l’esprit de Ionesco et nous l’avions répétée la veille, très sérieusement. Nous étions trois « professeurs » qui ne se croisent pas si souvent (par définition quand l’un joue, les autres sont en vacances) et c’était amusant de voir comment, tout en respectant la mise en scène initiale de Marcel Cuvelier (reprise désormais par Marie), chacun apporte ses propres nuances d’interprétation.

Il est 21h30 à Lima, Bogota, New York... À la Huchette, il est 3h30. Dans la loge et la cave, les rangs des comédiens se sont clairsemés, dans la salle, un dernier carré de spectateurs tient toujours. Parlons plutôt de spectatrices. Elles sont magnifiques ! Certaines sont là depuis 19h, elles ont vu quatre distributions des deux spectacles. Entre deux représentations, elles nous croisaient dans le couloir qui mène à la loge, nous faisaient part de leur enthousiasme, nous demandaient de poser un autographe sur un livre... A présent elles semblent, elles aussi, assoupies sur leur siège. Le plateau est vide mais ce n’est pas la pause pour autant : le relai est pris par la projection d’une captation faite par Marin Karmitz dans les années soixante. Un haut-parleur est situé dans la loge et j’écoute cette version quasi originelle de « La cantatrice », la diction est extrêmement précise, pincée... Je ne sais pas qui sont les interprètes mais le jeu de l’époque me paraît plus noir, plus grinçant...
Après la vidéo, il est prévu la diffusion d’entretiens radiophoniques de Ionesco.
La diffusion aura-t-elle lieu ?
A-t-elle eu lieu ?
Je n’en sais rien : je me suis assoupi. Le plateau de la Huchette est très étroit mais assez profond. Une alcôve a été ménagée en fond de scène, hors de vue des spectateurs et qui sert de cabine technique. En guise de matelas, Ider a roulé un pendrillon et c’est là que je me suis endormi dans un univers de câbles, de costumes et de vieux projos... Ai-je rêvé pendant ces quatre petites heures ? Je ne m’en souviens pas. Mais si j’ai rêvé, c’est forcément du théâtre du « Pratos ». À l’époque (il y a maintenant plus de quarante ans) je m’endormais souvent ainsi : je n’avais pas le permis et il n’y avait pas assez de places assises dans les véhicules. On traversait la France à longueur d’année, jouant un jour en Bretagne, le lendemain en Provence... Et j’étais toujours partant pour aller m’étendre, à l’arrière, au milieu des décors pendant que les copains conduisaient à tombeau ouvert sur l’autoroute... Bien sûr, c’était irresponsable (les faits l’ont prouvé) mais c’était joyeux ! Je me prenais pour le grand Zampano de la « Strada » de Fellini... J’ai retrouvé un peu de cette atmosphère insouciante, à quatre heures du matin, cette nuit-là... Et quand je me suis réveillé à huit heures, j’avais vingt ans ! Mais les copains ne s’en sont pas aperçus. Ils émergeaient plus ou moins hirsutes, de la loge, du plateau, de la cave... D’autres, plus frais, étaient déjà en costume ou au maquillage. Michèle, la caissière, était à son poste, le sourire aux lèvres, enveloppée dans un magnifique pyjama en peluche. Le temps d’un café et de deux croissants, je quittais le théâtre pour attraper le train d’Amboise. En partant, je croisais les tout premiers spectateurs de la 18403ème représentation de « La cantatrice chauve », il était presque 9 heures du matin, ce dimanche 5 mars 2017.

Pas d’autre spectacle pour moi en ce mois de mars, je me rattraperai en avril avec deux passages à la Huchette du 4 au 8 et du 18 au 22 puis deux « Mariage de Figaro » au théâtre de Neuilly-sur-Seine les 25 et 26.

Le succès sera-t-il au rendez-vous du « Mariage de Figaro » au prochain festival d’Avignon ?
Le triomphe attend-il
« Rhinocéros » à ce même festival ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez, bientôt, en lisant « Les pensées et anecdotes d'avril 2017 » !

Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http://www.theatredelafronde.com.
Vous pourrez également voir la photo du mois dont la légende commence par :
« Triste vitrine ».