Nouvelles de juin 2015 - Rendez-vous de juillet 2015

Notre nouvel épisode :

Guy

Résumé des épisodes précédents :

Guy avait connu (très partiellement) l’Algérie pendant son service militaire. Il connaissait bien mieux le pays Ridellois qu’il avait parcouru journellement, en mobylette, entre la ferme et l’usine, tout au long de sa vie professionnelle. Depuis quelques années, il s’était retiré dans cette ferme qui l’avait vu naître, à Pont-de-Ruan, en Touraine. On venait de franchir le cap des années 2000 mais la ferme n’avait pas changé : sol en terre battue, eau dans la cour, cabane au fond du jardin... Guy vivait là, seul. En semaine, le facteur lui déposait le journal, il n’avait pas le temps de s’arrêter car les tournées de la poste sont longues à la campagne (d’ailleurs on parlait de les supprimer) mais il vérifiait que tout allait bien... Guy n’était pas en bonne santé, il était très maigre, voûté, rabougri... La ferme aussi se délabrait lentement, la grange manquait de s’écrouler, chaque orage était une menace, chaque hiver une épreuve. Le hameau de Vaugarni, perdu au milieu des bois et des prairies, était oublié du monde.

Ça fait des années que Monsieur le comte aurait dû s’en débarrasser ! La ferme ne rapporte plus rien et il n’y est plus revenu depuis des lustres... Monsieur le comte a été longtemps un capitaine d’industrie, il est, aujourd’hui, en charge de la mairie du si joli village du Loir & Cher qui porte le nom de sa famille et dans lequel il a son château... Vendre la ferme, Monsieur le comte n’a jamais pu s’y résoudre : cette masure perdue est celle de son enfance, il a grandi là, dans la bouse, au milieu des veaux, des vaches et avec les enfants du métayer qui, eux, n’en sont jamais partis... Et il y a précisément cette promesse faite jadis au fils des métayers de ne jamais le séparer de cette terre. Il y a beau temps que l’homme est passé sous la terre et Monsieur le comte devrait se considérer comme délivré de sa parole mais il y a Guy. Guy est le fils de cet homme-là et Monsieur le comte sait bien que Guy ne survivrait pas à un exil loin de Vaugarni. Dans le temps, on vendait ou achetait la terre avec ce qu’elle contenait de récoltes, de bétail et d’hommes. Les paysans passaient du service d’un maître à celui d’un autre, sans même le savoir. La République a mis bon ordre à cela, les manants y ont, sans doute, gagné en dignité. Les maîtres, eux, ont gagné en simplicité : on peut, désormais, vendre une terre ou délocaliser une usine sans avoir à se préoccuper de ceux qui y travaillent... D’où viennent donc les scrupules de Monsieur le comte ? On les dirait d’un autre âge, ils exhalent un parfum douteux d’ancien régime ?
Le type qui est face à Monsieur le comte est un roturier moustachu qui n’a pas pris la peine d’ôter sa casquette, il s’appelle Serge Rigolet, il est accordéoniste et photograveur dans un journal. Si Monsieur le comte avait pris la peine de se renseigner, il aurait su que l’individu est aussi responsable syndical, qu’il a été longtemps militant au parti communiste et qu’il aurait pu, en d’autres circonstances, être un intraitable commissaire du Peuple ! Et pourtant, ce type-là va lui faire la proposition que, sans doute, Monsieur le comte espérait : « Si vous me vendez Vaugarni, je m’engage, devant notaire, à ce que la première personne qui y sera logée, mais logée décemment, dans une maison moderne et confortable, soit Guy G... ».
L’aristocrate et le bolchévique parlaient donc le même langage. Sans doute, partageaient-ils même bien d’autres valeurs...
« Je ne sais pas encore quand je vendrai Vaugarni, M. Rigolet, mais nous trouverons un prix qui nous conviendra et c’est vous qui aurez la ferme. Vous avez ma parole ». La décision a provoqué un sacré tollé et les pressions n’ont pas manqué dans la famille et l’entourage du comte, mais on ne revient pas sur sa parole. Et c’est ainsi que, quelques mois plus tard, Guy, dans sa jolie maisonnette rénovée à l’entrée du hameau et Serge, dans sa jolie caravane sous le hangar, ont entamé une belle, joyeuse et émouvante cohabitation.

- Règle n°1 : Il n’y a qu’une seule boîte aux lettres à Vaugarni : de cette façon Guy qui reçoit tout le courrier (et il y en a chaque jour de la semaine) est obligé de traverser la cour et de le porter à Serge. Celui-ci prépare le café et c’est ainsi que le premier s’astreint à un minimum d’activité et le second à un minimum de pause journalière.

- Règle n°2 : Quand les gars travaillent sur le chantier, c’est Guy qui tient le restaurant. Cette règle est imposée par les circonstances : la maison de Guy est la seule, « en dur », susceptible d’accueillir au chaud une équipe. Guy se contente de dresser les couverts mais il lui faut pour cela compter le nombre de travailleurs, faire une visite préalable et s’enquérir de la bonne marche du chantier, il prend très au sérieux ce rôle de patron aubergiste...

Guy s’en est allé depuis quelques années et son souvenir s’efface peu à peu, mais cette émouvante cohabitation a duré suffisamment pour illuminer sa fin de vie. Les premiers mois furent difficiles : Guy, très affaibli, perdait son autonomie et Serge a dû s’improviser aide-soignant et parfois ambulancier. Peu à peu, il s’est rétabli et quand la « Grange-théâtre » de Vaugarni a ouvert ses portes, les premiers spectateurs ont découvert un bonhomme malingre, bossu, aimable et malicieux. Guy devenait la mascotte du lieu. Il assistait à toutes les représentations. Au fil des saisons, son goût s’affirmait, il parlait simplement et sans dissimulation de ce qu’il aimait et de ce qu’il aimait moins (j’ai de la chance : il avait beaucoup apprécié « Célimène et le cardinal » et m’en parlait à chacune de nos rencontres). Mais malgré tout notre talent et notre travail, aucun de nous ne pouvait rivaliser avec celle que Guy plaçait au-dessus de tous, dans son Panthéon personnel : Mireille Mathieu.

Guy et Serge s’entendaient à merveille, ils étaient pleins d’attentions et de délicatesse l’un envers l’autre et c’est ainsi que Serge décida d’offrir à Guy son plus beau cadeau : Mireille Mathieu donnait un concert à Tours ! C’était un soir d’hiver, dans la grande salle du Vinci. Guy en revint, bouleversé de joie, mais c’est Serge qui m’a le plus surpris. Il m’a confié, avec un peu de gêne dans la voix : « Tu sais Mireille, elle y va, elle s’économise pas, elle calcule pas... Sur scène, il y a un vrai engagement... Non vraiment... Mireille Mathieu, c’est pas mal. »

C’est avec Stéphanie Chodat, Valérie Choquard (en alternance) et Stéphanie Mathieu que je partage le plateau du théâtre de la Huchette à Paris pour nos représentations de « La leçon » de Ionesco, du mardi 30 juin au samedi 4 juillet à 20h, réservation au 01 43 26 38 99. Le théâtre de la Huchette se décentralisera exceptionnellement pour une représentation au festival de Sarlat le lundi 27 juillet et j’y retrouverai, toujours pour « La leçon », Emilie Chevrillon et Marie Cuvelier, réservation et informations au 05 53 31 10 83. Peu de temps auparavant : le jeudi 23 juillet à 19h, Bernard Charret, Philippe Boisneau et moi donnerons une représentation de « La bourriche » sur l’Île d’Or à Amboise, réservation et informations au 02 47 23 47 34. Le lundi 6 juillet à 15h Emmanuelle Tregnier et moi, donnerons une lecture des « Coquillages de M. Chabre » de Émile Zola à la MARPA de La Ville-aux-Dames (37700), renseignements auprès de la Compagnie Interligne : 02 47 52 0 93.Le dimanche 12 juillet, Serge et moi donnerons une représentation privée, à cette occasion, nous ressusciterons nos fameux « Konkasseurs de Kakao ».

La grange-théâtre de Vaugarni trouvera-t-elle, auprès de collectivités publiques, les moyens de poursuivre avec la même ampleur son extraordinaire travail de programmation artistique ?
La reprise de
« Rhinocéros » à Paris aura-t-elle lieu en octobre, novembre, ou janvier prochain ?
Le département « Informatique - Nouvelles technologies et actualisation du site » du théâtre de la Fronde sortira-t-il de sa léthargie ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de juillet » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (bientôt réactualisé, c’est promis).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.

À suivre...