Nouvelles de mars 2015 - Rendez-vous d'avril et mai 2015

Notre nouvel épisode :

Les étagères à bocaux

Résumé des épisodes précédents :

Délicieux, mûrs à souhait ! Pour seulement 1,20€ le kilo ! On n’allait pas laisser passer ça, et on était revenu du marché avec une caisse entière d’abricots. Vanessa, notre amie Costaricaine (la femme de Jacques, le pianiste) considérait notre agitation autour de la marmite, avec beaucoup de curiosité. Notre activité était, à ses yeux, parfaitement exotique... Vivant à Paris depuis quelques années, elle connaissait et appréciait la confiture, mais notre empressement à acheter des fruits en grande quantité pour... les conserver, restait, pour Vanessa, une bien étrange pratique. Au Costa-Rica, nous expliqua-t-elle, bienheureux pays où il fait toujours chaud (et où il pleut 8 mois sur 12), point de conserve : les arbres donnent toute l’année. Je réalisais, alors, confusément, à quel point la géographie façonne notre culture et nos usages. Je réalisais combien, à la différence de mes amis Costaricains, j’étais sensible au rythme des saisons et je me remémorais un échange, vieux de quelques années, avec un apprenti comédien.

Nous étions à Montpellier, en stage sous la direction de Jean-Pierre Vincent. Le jeune homme gagnait, par ailleurs, sa vie à la cafétéria du théâtre de l’Odéon. Servir des cafés à des comédiens célèbres lui avait donné le goût du métier... Nous répétions donc, ensemble, des textes d’Edward Bond, de Marivaux, et nous prenions aussi le temps de bavasser... Quand j’eu la fantaisie de lui parler « conserve » et « confiture », le jeune homme ouvrit des yeux écarquillés, je n’étais plus seulement « exotique », à ses yeux, j’étais carrément devenu « archéologique ».

- Faire des conserves, balbutia-t-il, mais pour quoi faire ?
- Mais pour conserver les aliments... Pour l’hiver.
- Mais et le congélateur alors ?

Je restai sans voix.
Le jeune homme n’avait pas tort : vivre à Paris, approcher des « stars », et servir des cafés en passant des auditions (castings), n’est pas la plus mauvaise façon d’aborder ce métier. Même s’il faut, pour cela, reverser l’essentiel de ses revenus à l’heureux propriétaire d’un studio kitchenette de 15 m2 sous les toits. Difficile, dans ces conditions, de s’alimenter autrement que via la supérette et le micro-onde. Pas question d’encombrer l’espace vital, d’étagères à bocaux !

Comment faire comprendre au jeune homme, ce sentiment de quiétude, mi-novembre, quand les étagères sont pleines et le bois à l’abri. On se dit, alors, que l’hiver peut, enfin, venir. Si j’osais une comparaison (qui ne parlera qu’à mes collègues intermittents du spectacle) je dirais que c’est un peu le sentiment qu’on éprouve quand, au bout de dix mois et demi, on décroche, enfin, son 43ème contrat... C’est un sentiment anachronique : il y a maintenant plusieurs décennies que, dans notre pays, on ne souffre majoritairement plus de la faim et du froid, mais cette inquiétude devant l’hiver nous vient du fond des âges, c’est un peu notre fond culturel commun, à nous, peuples des régions tempérées. Et notre travail de comédien ne consiste-t-il pas, aussi, à transmettre cet héritage ?

Pourquoi consacrer la chronique de ce mois de mars à une histoire de confiture ? Pourquoi ne pas attendre l’automne ? Précisément parce que c’est aujourd’hui que les étagères sont vides et que les confitures sont rares. Le printemps n’était pas, jadis, une saison joyeuse, c’était souvent la période de l’attente angoissée... Les œufs de pâques qui ravissent nos enfants sont une réminiscence de ceux qui sauvaient nos aïeuls de la disette et qui, eux, n’étaient pas en chocolat... Il y a encore une cinquantaine d’années, nos voisins Hollandais se ruaient sur les plages pour gober les œufs de cormorans. Aujourd’hui, la tradition s’est perdue, nos voisins font, comme nous, ils se ruent sur les hamburgers et comme toute médaille a son revers, les cormorans, à leur tour, se ruent sur les poissons de nos rivières (eh oui les cormorans sont migrateurs)... Et, puisqu’il est question de poissons : le « poisson d’avril » en Touraine, c’est l’alose, un cousin du hareng qui grossit en mer puis remonte la Loire au printemps pour se reproduire. Cette année, mon ami Philippe Boisneau, pêcheur professionnel, a attrapé les premières, au niveau d’Amboise, le jeudi 2 avril. Il nous en parlera à Langeais, le dimanche 19 avril, dans le cadre de notre conférence-spectacle à déguster « La Bourriche » qui se tiendra dans les jardins de la Douve à 15h. Bernard Charret, le chef des « Chandelles Gourmandes » qui est notre 3ème complice pourra, peut-être, nous en faire goûter (réservation au service culturel municipal de Langeais : 02 47 96 54 39). Quelques jours plus tard, le théâtre de la Fronde fera cap vers Saint-Joseph de la Réunion où nous participerons au festival Komidi, nos représentation de « La corde sensible » auront lieu le 30 avril puis les 3 et 5 mai, mais je préfère en parler dès maintenant car je risque d’avoir envie de faire l’impasse sur la prochaine chronique mensuelle (la Réunion, c’est trop beau pour passer du temps derrière un ordinateur). À mon retour, du mardi 12 au samedi 16 mai, à 20h, je retrouverai Pauline Vaubaillon et Nicole Huc, au théâtre de la Huchette à Paris et nous jouerons « La Leçon » de Ionesco (réservation au 01 43 26 38 99). Pour l’heure, en Touraine, on se réjouit du rythme des saisons et je persiste à penser qu’un arbre qui donne des fruits toute l’année, ça me fera toujours plus rêver qu’un congélateur.

Notre Figaro sera-t-il « Moliérisé » ? À quand sa reprise en tournée ?
À quand la reprise du
« Rhinocéros » à Paris ?
Après la Réunion, nos amis découvriront-ils le Costa-Rica ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de mai » (c’est décidé, je fais l’impasse sur « les nouvelles d’avril ») !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (l’ensemble des chroniques y apparaît ainsi que les magnifiques
« Photos du mois »).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.

À suivre...