Nouvelles d'avril 2014 - Rendez-vous de mai 2014

Notre nouvel épisode :

La cigarette

Résumé des épisodes précédents :

Il y a quelques années on aurait parlé d’un spectacle « d’avant-garde », aujourd’hui il conviendrait plutôt de parler « d’esthétique contemporaine », « de regard sans complaisance » et « de radicalité absolue ». En effet rien n’était épargné au spectateur et chacun pouvait vérifier que la misère conduit à tous les excès, en matière de violence, sexe, drogue et rock ’n’ roll...

Le responsable de l’importante institution théâtrale qui accueillait le spectacle était assis à côté de moi et posait sur chaque scène le regard blasé de celui qui en a vu d’autres... L’engagement des comédiens était remarquable, les scènes étaient traitées avec un grand souci de réalisme, les canettes étaient décapsulées avec les dents... Mais, curieusement, alors que la bière mousseuse était avalée d’un trait, les cigarettes, elles, étaient factices : les comédiens faisaient semblant de fumer comme on pouvait le faire dans la cour de récré à l’école primaire.
Au cours de la soirée qui suivit, j’osai une remarque à ce propos et la metteuse en scène me fit une réponse évasive, parlant du symbolisme de la cigarette... Mais le responsable de la salle intervint avec véhémence : fumer réellement dans son théâtre ! Exemple déplorable pour la jeunesse ! Non-respect de la directive anti-tabac dans les établissements publics et enfin épouvantable risque d’incendie ! On sentait bien qu’on approchait d’un dangereux tabou, que la tolérance à ses limites et que l’homme de culture ferait barrage à la chienlit.

La vivacité de cette réaction me transporta quelques années en arrière et c’est le capitaine des pompiers de la ville d’Aveiro qui, soudain, me revint en mémoire. Nous avions regroupé trois nouvelles de Maupassant et je commençais le spectacle par « une vendetta », histoire terrifiante que je me contentais de dire dans un décor de fin du monde et... à la lueur d’un feu de bois. Quelques brindilles étaient allumées à chaque représentation et brûlaient pendant un bon quart d’heure. Afin d’épargner les plateaux des théâtres, j’avais fait réaliser un disque de métal et d’amiante monté sur trois pieds (l’amiante était, à l’époque, en vente libre dans toutes les bonnes quincailleries). Ce spectacle eut beaucoup de succès et nous l’avons baladé, un peu partout en France, Europe, Ukraine et Moyen-Orient, sans que ça pose le moindre problème... Sauf à Aveiro. Cette jolie ville Portugaise abrite un magnifique vieux théâtre à l’Italienne d’une capacité de 500 places et qui doit dater du XIXème siècle. Nous étions dans les loges. Les premiers spectateurs se pressaient à l’entrée, quand soudain, les pompiers ont débarqué, une bonne douzaine d’intrépides soldats du feu avec à leur tête un capitaine plein d’énergie. Quand celui-ci découvrit mon petit bûcher prêt à l’emploi, c’est son sang qui se mit à bouillir. Il m’interdit de frotter la moindre allumette sous peine d’interdiction immédiate du spectacle.
Avec le recul d’une vingtaine d’années, il me faut bien convenir que le texte de Maupassant se suffisait à lui-même et que nul n’était besoin d’effet pyrotechnique. Il est vrai aussi que le capitaine avait quelques arguments : le théâtre était tout en bois, son charme ne pouvait masquer ni sa vétusté ni la poussière qui s’y était accumulée au fil des ans.
Était-ce un péché de jeunesse ? M’étais-je un peu laissé griser par toutes ces tournées internationales ? Toujours est-il que je pris la pose de l’artiste irréductible et que je déclarai qu’il n’y aurait pas de spectacle tant qu’il n’y aurait pas de feu. Bel émoi dans les coulisses, les pompiers étaient furieux, les administrateurs s’agitaient en tous sens... Je restais intraitable tandis que la salle se remplissait inexorablement...
Fait inimaginable aujourd’hui, c’est le militaire qui céda.
Il y mit, toutefois, une condition : puisque je m’obstinais à exiger un feu, il convenait de sécuriser l’environnement : les pompiers ouvrirent leurs lances et inondèrent littéralement le plateau du théâtre et c’est ainsi que, pour la première et la dernière fois de ma carrière, je pataugeai sur une scène... Au sens propre.
Il est clair qu’aujourd’hui, je me montrerais bien plus docile et attentif à la santé de mes contemporains. Avec le temps, on devient plus soucieux d’ordre et de sécurité. En citoyen responsable, je vais même jusqu’à commettre une petite délation : chaque fois que je rentre sur le plateau de la Huchette, je perçois un léger parfum, une odeur de tabac, c’est Mr Smith, un des personnages de « La cantatrice chauve » qui fume la pipe en public. Précisons que la mise en scène de « La cantatrice... » a été fixée par Nicolas Bataille, il y a plus de cinquante ans, à une époque irresponsable, et, depuis ce temps, les comédiens s’obstinent à respecter rigoureusement cette mise en scène initiale. On peut rire de cette obstination, y voir une dérive muséale. Sans doute, mais c’est peut-être, bientôt, dans ce genre de musée qu’il faudra se réfugier pour retrouver l’odeur de l’interdit et le goût de la liberté...

J’y serai, quant à moi, du 27 au 31 mai, à 20h, pour « La leçon » de Ionesco en compagnie de Nicole Huc et Emilie Chevrillon (réservation au Théâtre de la Huchette : 01 42 49 27 97).
Peut-être est-il encore un peu tôt pour parler du « Mariage de Figaro » mis en scène par Jean-Paul Tribout dans lequel j’interprète le personnage de Brid’oizon ? Le spectacle est en répétition, il sera créé le 21 juin dans le cadre du festival d’Anjou.
En revanche, il est urgent d’annoncer la 2ème édition des « Plaisirs de Loire », forum des activités de pleine nature qui se déroulera dimanche 11 mai à Rochecorbon (37). Au programme : pique-nique géant, jeux nautiques, fanfares, Ciné-théâtre, Land-Art, concours de mayonnaises... J’y tiendrai le rôle d’arbitre dans les épreuves du « Rabouillathlon » (entrée libre, informations au 06 95 39 32 00).

« Le Rhinocéros » et « La Leçon » seront-ils associés en une même soirée ?
À quand la première de
« La bourriche » avec Philippe Boisneau (pêcheur de Loire), Jean-Marie Sirgue (comédien) et Bernard Charret (chef cuisinier) ?
Serge Rigolet va-t-il pouvoir bientôt réenfiler les bretelles de son accordéon ?
À quand
« La corde sensible » à la Huchette ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de mai » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (le site a été remanié, en profondeur : l'apparence est la même mais les rubriques sont plus faciles d'accès - en particulier nos chroniques - il va s'enrichir dans les semaines à venir).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.

À suivre...