Nouvelles de décembre 2012 - Rendez-vous de janvier 2013

Notre nouvel épisode :

Les stagiaires

Résumé des épisodes précédents :

Le TGV en provenance de Lille et en direction de Saint-Pierre-des-Corps s’ébroue lentement avec 45 minutes de retard me laissant sur le quai. Les militaires et les policiers partent à leur tour, je reste seul... Pas tout à fait seul : Abdel et Akim, stagiaires SNCF, ne laissent pas un voyageur dans l’embarras.

Ont-ils atteint la vingtaine d’années ? L’ont-ils dépassée ? De combien de mois ? Akim a un teint d’ébène et une stature d’athlète, il se tient en retrait : le patron, c’est Abdel. Petit, brun, souriant, déjà bedonnant, il se cambre et bombe si bien le torse qu’on lui épinglerait volontiers une médaille sur son costume réglementaire. Il parle une langue châtiée à l’excès et on sent bien que par la voix du jeune stagiaire c’est toute la société nationale des chemins de fer qui s’exprime : « Croyez bien Monsieur, que nous sommes confus. La SNCF est particulièrement attentive au confort et à la sécurité de ses voyageurs, notre collègue a, sans doute, interprété avec trop de rigueur des mesures qui sont, hélas, désormais nécessaires. La situation est bien embarrassante. Que comptez-vous faire ? »

- Et qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je vais me taper le métro de Roissy, jusqu'à Austerlitz avec mon décor sous le bras pour attraper un Corail.
- Allons Monsieur, il y aurait sans doute des mesures plus appropriées, d’autant qu’il vous faudrait, alors, payer, à nouveau, votre voyage.
- Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Du stop ?
- Monsieur, il y a d’autres TGV.
- Ah non merci ! Si c’est pour retomber sur un autre fou furieux...
- Vous savez, Monsieur, ce qui a contrarié notre collègue n’est, peut-être, qu’un défaut d’emballage.
- ?
- Un simple carton ou un film de plastique devrait suffire à rendre votre assemblage métallique... disons, plus... conventionnel. Veuillez-nous suivre, s’il-vous-plaît.

Et me voilà qui pénètre, à la suite des deux larrons, dans les arcanes de la gare ferroviaire de Roissy. L’univers est très vite plus obscur, moins aseptisé que dans l’espace public. Akim a dégotté deux plaques de cartons et entreprend d’emballer mon décor avec du ruban adhésif. Le résultat n’est pas satisfaisant aux yeux d’Abdel : « Il faut mettre toutes les chances de notre côté, Monsieur, l’idéal serait d’envelopper l’ensemble dans un film de plastique transparent. Nous n’en disposons pas et nous ne pouvons vous accompagnez au-delà de la station ferroviaire... » Ils me conduisent au bas d’un escalier roulant. « À l’étage supérieur, vous accéderez de nouveau à l’espace d’accueil de l’aéroport, sur la droite vous trouverez le préposé à l’emballage des colis. Dites-lui que vous venez de la part d’Abdel. Ça ne vous coûtera pas plus de 2 euros et votre colis aura une bien meilleure allure. Nous vous donnons rendez-vous dans dix minutes au bas de cet autre escalier roulant. »

Dix minutes plus tard, le décor dûment emballé de plastique, je rejoins les deux lascars à l’endroit convenu. « Dans la mesure où vous ne l’avez pas utilisé, votre titre de transport reste valide. Une retenue devrait logiquement vous être décomptée, toutefois, eu égard aux circonstances particulières, nous allons considérer, Monsieur, que la SNCF peut faire un geste commercial. » Le jeune Abdel continue de s’exprimer avec la tranquille autorité d’un cadre administratif. Nous voilà maintenant devant le comptoir où s’affairent plusieurs caissiers. Abdel s’efforce de n’en rien laisser paraître mais il hésite, son regard inquiet va d’un caissier à l’autre, soudain il aperçoit une jeune femme blonde, le sourire lui revient, il se cambre à nouveau et se dirige avec autorité vers la caissière. Akim et moi suivons à quelques pas. Abdel marche vite, il aimerait avoir le temps d’un aparté avec sa collègue, je l’entends qui murmure « Patricia on a une couille... » Il se reprend aussitôt et poursuit à haute voix « Ce monsieur a malencontreusement manqué le train de Saint-Pierre-des-Corps et... »

- Le train de Saint-Pierre-des-Corps ? Celui qu’a pris trois-quart d’heure de retard à cause d’un enf...
- Précisément Patricia... Euh, chère collègue, il conviendrait que Monsieur puisse bénéficier d’un échange sans retenue pour le prochain TGV.
- Le prochain c’est dans une demie-heure
- Ce serait parfait.
- On ne sera plus en période bleue, du coup le billet est moins cher.

Et la jeune caissière de me donner une poignée d’euros avec un sourire mi-figue mi-raisin.

- Abdel (à mi-voix) Tu comprends Patricia, il lui faut une place loin du contrôleur, on ne sait jamais !

Je ne peux pas résister : « Eh oui, on ne sait jamais : un connard peut en cacher un autre... »

Abdel est piqué au vif, il rougit un peu et se cambre encore plus : « Ce n’est pas du tout ce que je voulais dire, Monsieur. » Je regrette mon sarcasme, après tout le mal que se sont donné ces jeunes.

- J’ai la place 38 dans la voiture 16.
- Oh c’est bien ça ! La voiture 16 : c’est loin du contrôleur... (se tournant vers moi) Alors Monsieur, on repère sa place sur le quai et quand la porte s’ouvre, on fonce ! On fait pas de politesse aux autres voyageurs, on fonce ! Compris n’est-ce pas ? Allez Monsieur, tout va bien se passer. La SNCF vous souhaite un agréable voyage.

Et c’est ainsi que je suis arrivé sans plus d’encombre à Saint-Pierre-des-Corps.. L’anecdote remonte à novembre 2009. Je ne crois pas l’avoir enjolivée mais avec le temps s’efface le souvenir des désagréments et je ne retiens que l’essentiel : la gentillesse, la jeunesse, le dévouement désintéressé...

Je ferai le Parisien en ce début d’année : au théâtre de la Huchette du 15 au 19 puis du 22 au 26 janvier où je reprendrai « La Leçon » avec Stéphanie Chodat et Nicole Huc puis Catherine Day. Représentation à 20h, réservation au 01 43 26 38 99. Les après-midi seront consacrés aux répétitions d’une lecture qui sera donnée également au théâtre de la Huchette le lundi 28 janvier à 14h, il s’agit d’un texte très original de Jean Reinert : « Oniroplasmie ». L’entrée est libre, mais il est impératif de réserver au 01 42 49 27 97 ou amihuche@free.fr.

À partir du mardi 29 janvier et jusqu’au samedi 2 février, le théâtre de la Huchette se décentralise à Versailles, au théâtre Montansier seront données « La cantatrice chauve » puis « La Leçon ». Je jouerai donc à nouveau avec Stéphanie Chodat puis Marie Cuvelier. Le théâtre Montansier est bien plus grand que la Huchette mais il vaut mieux, quand même, réserver au 01 39 20 16 16.

Avant tout cela : le 14 janvier, je donnerai un premier atelier en milieu carcéral, à la maison d’arrêt de Tours, il n’y a, bien évidement, pas de numéro de réservation. J’en parlerai plus tard...

Le « Capitaine Le Jan » sera-t-il bientôt publié par les éditions de « L'Harmattan » ?
Quand Konkasserons-nous de nouveau ?
Combien de temps nos bonnes résolutions 2013 tiendront-elles ?

Les huissiers les pourchassent ! Le succès les guette !
- Nos amis s’en sortiront-ils ?
- Bien sûr !
- Mais comment ?

Vous le saurez bientôt, en lisant « Les nouvelles de janvier » !
Vous en saurez un peu plus en surfant sur notre site : http//www.theatredelafronde.com (bientôt rénové : ça fait partie des bonnes résolutions).

Et beaucoup plus en venant assister à l’une de nos prochaines représentations.